À l’école primaire, tout allait très bien. C’était l’école du village et tout le monde se connaissait.
En première humanité, cela a été difficile pour moi. Subitement, j’ai atterri dans un tout autre monde : du village à la ville. D’une petite école où les instituteurs étaient sympas à une école avec des centaines de classes.
Les deux premières années, j’ai pu me « cacher ». J’essayais de ne pas me faire remarquer. En troisième année, quelques nouveaux garçons sont arrivés. Ils étaient deux ans plus âgés que les autres de la classe et ils se comportaient comme les « chefs ». Nous étions leurs « esclaves ». Ils ont vite compris que j’étais le « gentil » qu'ils pouvaient maltraiter. J’ai tenu bon et j’espérais que cela changerait en 4e. Peut-être qu’ils auraient disparu après les grandes vacances ?
Mais cela a encore empiré : ils me ridiculisaient systématiquement et m’insultaient. D’autres copains de classe ont décidé de les rejoindre et de se liguer contre moi. Ils espéraient ainsi se faire bien voir. Mes parents, mes amis de l’école primaire et mes voisins ne savaient rien de ce que je devais subir au quotidien et je voulais que les choses restent ainsi. C’est pourquoi je ne voulais pas non plus en parler avec les profs.
À la maison, je faisais de plus en plus de recherches sur le suicide sur mon ordinateur : quelle façon est la plus rapide ? Et la moins douloureuse ? Quelle est la méthode la plus sûre ? Combien de temps cela dure-t-il avant d’être mort ? Je m’y intéressais chaque jour.
Je volais des médicaments et des somnifères dans les tables de nuit de mes grands-parents et aussi de mes parents. Je me constituais un stock. Et c’est ainsi que le pot aux roses a été découvert. Ma mère s’est méfiée, a inspecté ma chambre de fond en comble et a trouvé mon pot avec les 50 comprimés. Par la suite, elle a fait examiner mon ordinateur, ma tablette et mon iPhone. Je ne pouvais qu’avouer. J’étais honteux de devoir raconter que j’étais un « loser » à l’école.
Mais après coup, c’était la seule solution. J’ai d’abord eu des entrevues avec un jeune médecin traitant, puis avec un psychologue et tout est sorti. Vraiment tout. L’école a été impliquée, les harceleurs ont disparu de ma vie, mais j’ai tout de même choisi de changer d’école. Un établissement plus petit. Et cela s’est avéré être une bonne idée. Je m’y sentais beaucoup mieux. Je n’avais plus besoin de me cacher. Les entretiens avec le psychologue m’aidaient. En parler aidait. J’ai pu tout relativiser davantage et j’ai ainsi acquis davantage de confiance en moi. J’ai appris à changer les « et si » et « je vais merder » en « j’essaie et si cela tourne mal, je trouverai bien comment arranger les choses ». Et « je fais de mon mieux et c’est bien assez ». Bien entendu, cela ne se fait pas du jour au lendemain, mais chez moi, cela a vraiment marché.
Maintenant, je suis en 3e année en Sciences économiques appliquées et ma foi, je trouve que cette période difficile de ma jeunesse a été positive. Cela m’a rendu plus fort. Le suicide me semblait à certains moments la solution parfaite à tous les problèmes. En se suicidant, on se débarrasse de tous les soucis en une seule fois. Mais on perd aussi beaucoup d’autres choses. Se séparer de sa famille, de ses amis, de la musique, des concerts, du sport, qu’est-ce que cela signifie ? Je pense que tout le monde devrait bien réfléchir et surtout s'investir pour chercher et, espérons-le, trouver une échappatoire. Entre-temps, mon mot d’ordre : pas de victoire, sans perte. Parfois heureux, parfois malheureux. C’est la vie !